Réparation et prescription ou le double discours de l’Etat

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Pour nos lecteurs ci-dessous un article trouvé sur « Objectif Gard » qui relate une audience auprès du Tribunal Administratif du Gard à Nîmes. Une famille de Harki demandait réparation pour les conditions de vie indignes vécues dans les camps de Saint-Maurice-L’Ardoise et de Rivesaltes.  L’Etat a opposé la prescription quadriennale et le tribunal a rejeté la demande de réparation…. C’était le 18 novembre, le jour où à l’Assemblée nationale une loi visait à réparer les conditions indignes d’accueil dans les camps…

La loi en cours de discussion au Parlement permettra-t-elle de sortir de ce paradoxe ?

 C’est une audience et une décision qui sont passées inaperçues. Pourtant le symbole est grand… Le 18 novembre dernier, le jour même où le parlement examinait un projet de loi de reconnaissance et réparation pour les harkis, le tribunal administratif de Nîmes évoquait à la même heure un dossier humainement délicat dont la décision est tombée la semaine dernière.

Une famille avait décidé de déposer des requêtes devant la juridiction gardoise concernant les conditions d’accueil et de vie dans deux camps : celui de Rivesaltes dans les Pyrénées-Orientales et celui de Saint-Maurice l’Ardoise dans le Gard. Une famille et ses deux enfants avaient fui l’Algérie en novembre 1962. Le père de famille, aujourd’hui retraité octogénaire, a été un supplétif de l’armée française. « Un enfant du couple est ensuite né et mort dans ce camp, sans sépulture, jeté en terre et je pèse mes mots au bord d’un champ, sans que l’on connaisse l’endroit précis pour pouvoir se recueillir », indique avec émotion maître Philippe Rey, qui regroupe à son cabinet 45 familles de harkis concernées par des procédures administratives.

« J’ai l’honneur, je dis bien l’honneur de plaider pour ces familles détruites par ce qu’elles ont vécu en arrivant sur le sol de la métropole. C’est le hasard du calendrier mais, aujourd’hui, alors que je plaide devant votre juridiction le parlement évoque cette question des conditions indignes de vie de la communauté harki lorsqu’ils sont arrivés en France, enfermés dans des camps de longues années, sans rien voir de plus comme horizon que les barbelés entourant le camp. Il y avait même une école à l’intérieur pour ne pas qu’ils se mélangent avec les autres enfants du village, » souligne maître Rey. « Il est toujours invoqué les mêmes arguments aux harkis, vous avez la reconnaissance de la nation, la reconnaissance militaire, mais contentez-vous d’une poignée de mains et d’un discours au pied du mémorial », dénonce l’avocat nîmois. « L’armée française comme seule pièce versée aux débats remet un document avec un titre « aux harkis, le France reconnaissante ». De qui se moque-t-on ? C’est une honte « , complète maître Rey.

Face à lui, le rapporteur public fait valoir la prescription de la procédure. Les familles sorties du camp en janvier 1976 avaient, si l’on suit la logique, quatre ans pour agir en justice. Le retraité concerné avait donc jusqu’en 1980 pour lancer une procédure judiciaire.

Le tribunal administratif a suivi l’argument du rapporteur public et a rejeté la requête. Mais cette procédure n’est pas, comme l’a indiqué le rapporteur public, « un point final » aux demandes effectuées par les harkis et leurs familles. La loi actuellement étudiée au parlement pourrait rapidement voir leurs préjudices enfin reconnus.

Boris De la Cruz