Je suis madame B… K…, je suis née en 1954 à Aïn Kerma, je suis mariée et j’ai eu 12 enfants. Mon mari était appelé du contingent, il est allé dans le Sahara. Il s’est ensuite engagé car ses parents ont été assassiné par le FLN.
En septembre 1959, mon père est rentré dans les Harkis pour ne pas être assassiné, nous vivions dans un camp cloitré. Nous étions 4 enfants.
Nous avons quitté l’Algérie dans des camions de l’armée. De Bone à Marseille., nous étions dans la soute d’un bateau comme du bétail soumis à la promiscuité. C’était pour nous un cauchemar. De Marseille, en train jusqu’à Nancy, puis en camion à Epinal dans une caserne où nous étions à plusieurs familles par chambrée. Toutes les commodités étaient à l’extérieur. Aucune intimité. J’allais à l’école pieds nus.
Ce sont les militaires qui nous nourrissaient, puis nous avons eu des fourneaux à charbon.
De 1963 à 1964, nous avons été logés dans des préfabriqués, la situation s’est améliorée, mais nous avons du tout acheter. Ces logements étaient fournis avec le minimum de mobilier, pas de sommier, pas de matelas.
En 1964, papa a acheté une maison, c’était une étable en fait. Nous étions 7 familles. Nous étions bien, mais il y avait le minimum de confort. Nous avons souffert du froid.
J’ai eu 7 filles et 5 garçons. Ils s’en sont bien sortis. Je leur ai donné les 2 cultures et aussi la langue.
Le plus dur à notre arrivée… nous n’avons pas été accepté, soutenus. Nous avions l’impression de déranger. Nos parents ont souffert plus que nous. Ils ne parlaient pas le Français.
Les rapports étaient tendus à l’école pour nous, cela s’est amélioré après, à l’usine.
Mon mari lui, a quitté l’armée à 50 ans. Il était mal tous les ans, il avait des crises, il n’était pas bien. Mais, nous sommes restés soudés, nous avons gardé le moral.
Aux jeunes, je leur dirai de travailler pour s’en sortir. Moi, à 14 ans, je faisais tout.
Je suis retournée 2 fois chez moi à Ain Kerma. Une fois avec un oncle, c’était très émouvant. Je ne me sentais pas chez moi, j’étais contente de retrouver une partie de ma famille. La 2ème fois, avec mon mari, il a pleuré et moi aussi. Je suis allé me recueillir sur la tombe de mes grands-parents.
J’ai vécu beaucoup de choses tant en Algérie qu’en France.
Je ne suis pas rancunière, je pardonne des deux côtés.
J’aimerai bien que l’état s’occupe de la 2ème génération d’enfants de harkis.