Zahia Hamdane, Amal Dufour et Aurélien Saintoul, députés LFI vont déposer vendredi 11 avril une proposition de loi concernant les Harkis. C’est au départ l’association Citoyenneté française* créée en 2015 par Smaïl Kaldi et un collectif informel du même nom, lancé en mai 2024, qui les avaient contactés pour une proposition de loi visant d’une part à réaffirmer la citoyenneté française des Harkis et d’autre part à étendre la décision de la CEDH pour Bias à toutes les structures de relégation reconnues par la CNIH.
A propos de la proposition de loi de LFI, la position d’AJIR est simple et peut se résumer en quelques points principaux :
1- Sur le principe, AJIR soutient toutes les initiatives individuelles, associatives ou parlementaires visant à faire mieux connaître l’histoire des Harkis et à mieux réparer les conséquences multiples et diverses de leur abandon après le 19 mars 1962 dont les conditions de vie indignes imposées en métropole à ceux qui purent s’y réfugier. Cette proposition peut être une nouvelle occasion de rappeler ces faits et peut être, grâce à des amendements , d’obtenir des améliorations de la loi de 2022.
2- Sur la forme, AJIR déplore le fait que l’ensemble des partis politiques n’a pas été saisi dès le départ. AJIR considère que tous les parlementaires sont représentants du peuple français et à ce titre tous les partis doivent être sollicités pour éviter le risque qu’un seul parti instrumentalise notre combat à des fins électoralistes. Toute proposition de loi concernant les familles d’anciens Harkis devrait, selon nous, être transpartisane. Pour la loi de 2022, comme pour l’allocation pour toutes les veuves, AJIR avait dès le départ sollicité le soutien de tous les parlementaires.
3- Sur le fond, AJIR soutient logiquement les propositions visant à améliorer la mise en œuvre de la loi de 2022 (traitement plus rapide des dossiers, plus de transparence,…) puisque AJIR a exprimé publiquement critiques et propositions dès 2023 (lire notre rapport de mars 2023 et notre article sur la CNIH). De même, AJIR est favorable à une révision du barème suite au jugement de la CEDH… (voir les extraits vidéos de l’AG d’AJIR à Aix en octobre 2024 sur le site Harkis Dordogne).
On peut aussi comprendre la demande de ne plus utiliser les termes « anciennement de statut local » si ces termes peuvent provoquer chez certains un doute sur leur citoyenneté française mais ce n’est pas le cas, heureusement, pour la majorité de nos adhérents. Nous sommes citoyens français, élus pour certains d’entre nous par nos concitoyens et nous n’avons pas besoin, 60 ans après, qu’une loi rappelle cette évidence. Nous avons, en revanche, à continuer de demander à tous les Gouvernements de tous les bords de ne pas l’oublier et de promouvoir, au service du pays, celles et ceux qui en ont les compétences.
4- AJIR soutient une demande de révision, pour toutes les structures, du barème de la loi de 2022 suite à l’arrêt de la CEDH en 2024. Mais AJIR estime la proposition de loi, présentée par LFI, loin de nos attentes car peu réaliste sur certains aspects et surtout lacunaire et injuste :
- Injuste parce que les personnes qui ne sont pas passées par les structures officielles de rapatriement (camps, hameaux , cités…) sont encore oubliées. Or c’est la moitié de la population et sans doute celle qui a le plus souffert de l’abandon. Nous n’avons pas cesser de le dire dès la connaissance du projet de loi en 2021. Injuste aussi parce que la date limite de 1975 n’est pas remise en cause alors que le rapport de la CNIH confirme que bien des structures étaient encore habitées par des familles de Harkis après 1980.
- Insuffisante parce qu’il ne s’agit pas d’améliorer à la marge le fonctionnement de la CNIH mais d’obtenir une vraie commission d’évaluation de tous les préjudices. (comme pour les victimes de la Shoah ou de l’amiante ou des essais nucléaires, etc.) avec une réelle capacité de proposition d’une juste réparation pour tous. C’est cette commission d’évaluation qui pourra proposer un barème basé sur des critères objectifs pour les différents préjudices subis par les harkis passés ou non par une structure reconnue par la CNIH. Demander le barème CEDH/Bias de façon forfaitaire pour toutes les familles de Harkis a peu de chance d’aboutir sans au préalable une évaluation différenciée des préjudices et une étude d’impact budgétaire.
- Avoir quelques « représentants » de Harkis (choisis par qui et sur quels critères?) au sein de la CNIH ou des enfants de Harkis ayant fait des thèses sur les Harkis peut être bénéfique pour la commission mais ne changera pas grand chose si la commission ne devient pas une commission d’évaluation des préjudices.
- Ajoutons encore que la demande d’embauche de 100 (oui cent) personnes à temps plein ne paraît pas réaliste quand on sait combien l’Onac a bataillé avec Bercy pour en obtenir quatre.
- Enfin, le besoin urgent d’une fondation n’est pas évoqué. Or c’est indispensable pour parachever toute réparation.
En conclusion, AJIR salue l’initiative de Zahia Hamdane et de ses collègues mais considère cette proposition éloignée de ses attentes sur le fond et de ses pratiques sur la forme. Aussi AJIR proposera prochainement à l’ensemble des présidents de groupes parlementaires, soit des amendements à cette proposition si elle est soumise aux débats, soit un texte pour poursuivre, et on espère parachever, la reconnaissance et la réparation dues à toutes les familles d’anciens Harkis.
* L’association « Citoyenneté française »(40 adhérents) a été adhérente à AJIR France (virement bancaire du 5 mars 2024 du montant de la cotisation). Son président a souvent échangé avec le Président d’AJIR mais AJIR n‘est pas associée à la rédaction de la proposition de loi LFI.