Réunis en convention les 11 et 12 septembre 2021 à Riom (63), une quarantaine d’association et les adhérents d’AJIR ont approuvé à l’unanimité l’envoi d’une lettre ouverte, signée par les 40 associations et personnalités présentes, au Président de la République pour lui réclamer une loi reconnaissant la responsabilité de la France et la réparation des conséquences liées à cette faute… Ci-dessous le texte de la lettre transmise au Président…
Clermont Ferrand, le 15 septembre 2021
A Monsieur Emmanuel MACRON
Président de la République
Objet : suite de la convention nationale
Des 11 et 12 septembre 2021
Monsieur le Président,
Le 10 mai dernier, suite à ma demande de février, vous nous avez fait l’honneur de nous recevoir à L’Elysée, Serge Carel, Claire Houd, Dalila Kerchouche et moi-même. Vous nous avez écoutés longuement avec une grande attention. A cette occasion, je vous avais envoyé préalablement une note de 4 pages (hors annexes) exposant les attentes des adhérents d’AJIR.
Le week-end dernier, à Riom, AJIR France pour les Harkis a rassemblé environ 150 personnes dont les représentants d’une quarantaine d’associations. Des invités, historiens, philosophe, politiques, sportif de haut niveau, ont nourri notre réflexion.
A l’issue des tables rondes, j’ai en conclusion dégagé une synthèse, approuvée à l’unanimité par les participants qui m’ont chargé de vous en transmettre la teneur.
Depuis 20 ans, tous les Présidents de la République ont reconnu la réalité de l’abandon des Harkis en 1962 et la responsabilité des gouvernants de l’époque. Mais, aucune loi allant dans ce sens n’a été votée. Les propositions déposées l’étaient en général par des députés minoritaires.
Or la première demande des associations et personnalités réunies est le vote d’une loi avant la fin de cette année, reconnaissant la responsabilité de l’Etat français en 1962 dans sa gestion catastrophique de la fin de la guerre en Algérie : abandon des Harkis, refus de faire respecter les accords d’Evian notamment en ce qui concerne la sécurité des personnes, accueil indigne de ceux qui purent se réfugier en métropole. On doit la vérité aux morts comme aux survivants de cette tragédie.
La seconde demande est que cette loi soit logiquement suivie par la création d’une commission d’évaluation des préjudices subis et la création d’un fonds d’indemnisation pour, dans un esprit de justice, dédommager les victimes. La philosophe invitée l’a rappelé fort justement : « aucune somme ne peut réparer l’irréparable ». Mais la vérité, la reconnaissance des préjudices, une proposition de réparation, peuvent permettre à toutes les personnes que cette guerre a meurtries de se reconstruire et à notre pays de se réconcilier avec lui-même, en faisant communauté avec toutes ses composantes et tous ses morts.
La troisième demande est, en attendant d’évaluation par la commission, de revaloriser, vite et de manière substantielle, l’allocation de reconnaissance versée aux anciens supplétifs ou leurs veuves ; soit en doublant son montant mensuel (500€ au lieu de 253€) soit en la remplaçant par une somme globale. Ceci ne serait pas un solde de tout compte mais comme une avance sur ce que décidera la commission d’évaluation.
Enfin, les échanges lors de la table ronde « Réussir malgré tout » ont montré la persistance d’un manque d’ « égalité des chances » et de mise en lumière des réussites des membres de cette « communauté de destin » qui pourtant ne manque pas de talents.
Plusieurs intervenants ont fait remarquer qu’il était illusoire d’espérer le vote d’une loi en raison du calendrier législatif car il reste peu de niches parlementaires pour les partis d’opposition. Le seul espoir, c’est vous Monsieur le Président. Vous seul pouvez faire voter une loi avant la fin de la législature grâce à un projet de loi et surtout grâce à votre volonté.
Aux sceptiques, nombreux, j’ai répondu qu’ils avaient des raisons objectives de douter : le calendrier est serré ; c’est une décision difficile sinon cela aurait été fait depuis longtemps. Mais j’ai ajouté que j’avais des raisons subjectives d’espérer. Parce que je vous ai entendu lors de ma remise de médaille dire avec sincérité que « la France n’avait pas été à la bonne hauteur » et qu’il fallait « poursuivre le travail de réparation». On vous a vu avoir le courage de reconnaître des pages sombres de notre histoire, sur la guerre d’Algérie, le Rwanda, les essais nucléaires en Polynésie.
Alors oui, nous avons espoir que vous serez celui qui mettra fin à 60 ans d’une certaine hypocrisie consistant à reconnaître l’abandon des harkis dans les discours mais à le refuser dans une loi.
Aujourd’hui l’opinion publique est prête pour cette reconnaissance de la vérité à l’égard de ceux qui ont risqué leur vie pour notre drapeau. Les parlementaires sont prêts à transcender les clivages partisans, comprenant qu’il s’agit là d’une question de justice et d’honneur qui doit dépasser les polémiques politiques ou historiques. Il ne s’agit pas d’une loi mémorielle car on ne demande pas aux Députés et Sénateurs d’écrire l’histoire de la guerre d’Algérie. Il s’agit, par une volonté de vérité et de justice, de reconnaître une faute de l’Etat que nul ne conteste et de vouloir réparer ses conséquences.
Au nom des personnalités et associations présentes ou représentées à la convention nationale du 12 septembre 2021, je vous remercie Monsieur le Président de votre attention à ce courrier.
Nous espérons que vous saurez prochainement répondre aux attentes exprimées et vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos sentiments respectueux.